Le masque de peste

Ce masque aux allures d’oiseau fait écho à une maladie qui a frappé plusieurs fois nos ancêtres et endeuillé de nombreuses familles. Autrefois le mal le plus redouté au monde, la peste a anéanti des millions de personnes. Entre 1334 et 1372, la peste noire a tué jusqu’à un tiers des Européens et a perduré par épidémies intermittentes jusqu’en 1879 (comme par exemple celle qui toucha sévèrement Marseille en 1720).

 

Pendant une flambée de peste en Europe, les villes touchées faisaient appel à des médecins de peste qui portaient un costume qui a aujourd’hui une connotation macabre : ils se couvraient de la tête aux pieds et portaient un inquiétant masque qui était doté d’un long bec d’oiseau. 

 

La véritable date de création de cet équipement reste incertaine. On sait que c’est tout d’abord en Italie au XVIe siècle qu’est inventé un genre de costume pour protéger les médecins des épidémies. En France, la tenue est perfectionnée en 1619 par le médecin-chef du roi Louis XIII, Charles Delorme (ou De Lorme), médecin de cour du 17ème siècle qui décrit une tenue qui comporte : 

  • un manteau recouvert de cire parfumée,
  • une culotte reliée à des bottes
  • une chemise à rentrer dans la culotte
  • des gants en cuir 
  • un chapeau
  • un masque aux airs d’oiseaux muni de lunettes et d’un bec allongé d’une dizaine de centimètres de long, remplis d’herbes et de parfums.
  • d’une canne pour examiner les victimes sans les toucher, car tout contact direct était considéré comme dangereux.

 

L’uniforme évoque un oiseau de mauvais augure parce qu’elle correspondait à une croyance erronée sur la propagation de la maladie (transmission par l’air et les volatiles). Alors que les mécanismes de transmission des germes sont encore inconnus, les médecins étaient persuadés que la peste se propageait dans un air devenu toxique (ou vapeurs nocives qui pouvait engendrer un déséquilibre dans les humeurs d’une personne ou dans ses humeur)) et que les parfums doux et piquants et de l’encens pouvaient fumiger les zones touchées par l’épidémie et protéger les visiteurs.

 

Pour se protéger, les médecins de peste remplissaient leurs masques d’éponges qui étaient imprégnés d’un bouquet garni de plusieurs épices et herbes aromatiques comme le thym, le camphre, le laudanum, la cannelle et le clou de girofle. Delorme considérait que la forme du masque était suffisamment allongée pour laisser aux herbes le temps de purifier l’air inspiré avant que celui-ci n’atteigne les narines des soignants.

 

En vérité, la peste est une bactérie “Yersinia pestis” transmissible à l’homme notamment par la morsure des puces mais aussi par un contact avec des fluides ou des étoffes contaminés ou par inhalation de gouttelettes infectieuses provenant des projections de personnes malades éternuant ou toussant par exemple.

 

Rapidement, ces uniformes deviennent un symbole de mort et inspirent la terreur. Mais en fin de compte, cet uniforme n’offrait pas une réelle protection contre la maladie.

 

Peu à peu, on s’est rendu compte de son inefficacité et son utilisation fut abandonnée au 19ème siècle. De plus, comme le dit Patrick Zylberman professeur émérite d’histoire de la santé pour TV5 monde la grande épidémie au XIXème siècle devient le choléra avec une contagion qui se fait par l’eau souillée rendant le costume plus vraiment nécessaire.

 

Tous masqués, vraiment ?

Néanmoins, Emma Hollen, journaliste scientifique pour le média futura-sciences, nous mets en garde car les sources historiques attestant de l’usage de ce type de masque sont rares et ambiguës. “Le plus ancien masque jamais retrouvé nous provient de Venise et daterait du XVIIIe siècle, soit deux cents ans après la première description de Delorme. La première illustration connue date pour sa part de 1656, mais vient en accompagnement d’un poème satirique italien particulièrement acerbe, et doit donc être interprétée avec précaution […] Au final, l’absence de sources historiques pointant vers un usage clair et répandu des masques de docteurs de peste- semblent indiquer que ceux-ci relevaient plus de l’objet satirique et symbolique que d’un véritable accessoire dans la panoplie du docteur de l’époque “.

Et concernant les deux masques découverts en Allemagne ? “Marion Maria Ruisinger, du musée d’Ingolstadt, suggère que peu d’éléments semblent soutenir l’idée qu’ils auraient été utilisés dans un but médical”.

Malgré tout, même si les avis divergent, cette tenue autrefois terrifiante est devenue si emblématique qu’elle devient un incontournable de la commedia dell’arte et elle est souvent portée aujourd’hui en Italie lors du carnaval de Venise. 

Masque de peste du XVIIe siècle du musée d’Ingolstadt – Wikicommons

Sources :

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