Le jeu d’échecs, originaire du Moyen-Orient, s’est répandu et popularisé en Europe durant le Moyen Age. Malgré cette popularité, très peu d’échiquiers médiévaux sont parvenus jusqu’à nous. Mais un fait exception, et l’on peut toujours l’admirer au British Museum.
Les Lewis Chessmen, pièces en ivoire devenues iconiques, font même une apparition dans le film Harry Potter à l’école des sorciers où les deux amis Ron et Harry s’exercent aux échecs avec une version sorcier de ce célèbre jeu.
Ces pièces d’échecs faites en ivoire de morse ou en dents de baleine ont été découvertes un beau jour de 1831 sur une plage de l’île de Lewis dans l’archipel écossais des Hébrides.
Soigneusement cachées dans une petite chambre en pierres sèches sous une dune de sable, les raisons de leur enfouissement, dans cet endroit reculé, demeurent un mystère.
Leur excellent état de conservation a permis de constater qu’elles avaient très peu servi.
Remarquable vestige de jeu viking du XIIe siècle (voir XIIIe selon les études), la découverte a révélé 93 pièces. On dénombre 78 pièces d’échecs de 4 jeux différents : 8 rois, 8 reines, 15 cavaliers, 16 évêques, 12 tours (ou gardiens) et 19 pions. Les autres éléments (14 ainsi qu’une boucle de ceinture) sont des pièces provenant d’un autre jeu de plateau populaire de l’époque le hnefatafl (certaines pièces d’échec auraient pu être utilisées pour ce jeu également qui a besoin des rois et des pions).
Par ailleurs, certaines pièces étaient teintes en rouge (contrairement aux pièces d’un échiquier moderne qui sont blanches et noires).
A l’exception des pions, ressemblant à des pierres tombales avec des motifs géométriques entrelacés, toutes les pièces sont des sculptures qui représentent des humains.
Ces figurines représentent des personnages caractéristiques de la société féodale européenne de l’époque, telles que les rois, reines, évêques ou cavaliers, mais aussi des personnages plus typiques de la société viking comme le légendaire guerrier berserker (farouche guerrier mythique qui rentrait en transe dans la bataille).



Réalisée avec un réel souci de précision, chacune des pièces d’échecs présente des détails caractéristiques :
- Le roi, couronne sur la tête et épée sur les genoux, est assis sur un trône décoré.
- La reine, avec une cape ornée et assise sur un trône, a le visage contrit avec sa main posée sur sa joue.
- L’évêque (le fou en France) est avec sa mitre, sa crosse et sa bible,
- Le cavalier, à cheval, est muni d’une lance, mais aussi d’un casque conique et d’un bouclier triangulaire typiques des Vikings.
- Le gardien (ou tour pour nous) a une longue épée et un casque en forme de cuvette.
- Le berserker (qui aurait pu logiquement être le “fou” mais est une tour aussi) mord son bouclier en signe d’agressivité.
Concernant l’origine de ces pièces, les archéologues sont divisés. Mais la majorité pense qu’elles ont été fabriquées en Scandinavie entre 1150 et 1200 apr. J-C, à Trondheim (similitudes avec des lots trouvés là bas), autrefois capitale de la Norvège médiévale. Témoins du temps où les îles Hébrides étaient sous souveraineté norvégienne, la question de leur propriétaire demeure aussi un mystère complet.
Certains pensaient qu’un marchand itinérant venu de Norvège aurait pu les cacher là. Mais pour quelle raison ? D’autres pensent plutôt à un noble local. En effet, il faut se dire que des pièces de 245 grammes d’ivoire chacune, gravés avec moult détails doit au Moyen-Age être assez onéreux.
Aujourd’hui, 82 pièces sont exhibées au British Museum et les 11 autres demeurent au National Museum of Scotland à Edimbourg.
Considéré comme le cinquième plus beau trésor archéologique outre-Manche par le British Museum, la question de leur propriété est sujette à dispute entre l’Ecosse et l’Angleterre.
Anecdote : Une pièce de Lewis refait surface !
Enroulée dans un linge délicat depuis quelques années, transmise par son père, antiquaire à Édimbourg, une femme conserve religieusement une pièce en ivoire.
Représentant un chevalier, cette pièce a été acquise en 1964 pour la modique somme de 5£. Un jour, son propriétaire décide de la faire expertiser. Une fois ce minuscule souvenir d’ivoire entre les mains du spécialiste Alexander Kader, le miracle se produit “Mon Dieu, c’est une pièce du jeu d’échecs de Lewis !”. Devenue en l’espace d’une seconde un trésor, cette pièce a été vendue aux enchères le 2 juillet 2019 par la maison Sotheby’s pour 735 000 £ soit un million de dollars.
Les experts ont tenté de comprendre pourquoi cette pièce a été séparée du reste de cette armée d’ivoire. Même si, comme les autres pièces de Lewis, cet artéfact a été enterré durant des centaines d’années sous un sol sablonneux, l’analyse au carbone 14 révèle qu’elle daterait de la période 1328 à 1434, soit plusieurs décennies après la datation estimée des autres pièces. Décidément, beaucoup de questions autour de ce célèbre jeu resteront sans réponse.

Sources :
- 30 000 ans d’art Phaidon p 274
- L’Histoire du monde en 1 000 objets Flammarion p 126-127
- diptyquescrossing/blogspot.com/2011/08/les-lewis-chessmen.html
- Wikipedia : Lewis chessmen
- le figaro/achetée 5 euros une pièce mythique de jeu d’échecs vendue un million
- nms.ac.uk/explore our collections/stories/scottish history and archeology/lewis chess pieces
- https://www.connaissancedesarts.com/marche-art/ventes-encheres/pres-de-200-ans-plus-tard-une-piece-du-celebre-jeu-dechec-lewis-redecouverte-dans-un-tiroir-11121603/