La Jamais contente

Cet engin que l’on surnomme la Jamais contente est une voiture électrique conçue et pilotée par le Belge Camille Jenatzy (1868-1913). Elle fut la première automobile à franchir le cap des 100 kilomètres/heure, en 1899.

 

Durant la fin du XIXe siècle, des travaux sont menés pour identifier la meilleure solution de propulsion des récentes automobiles. Certains croyaient plus à la propulsion électrique qu’au pétrole.  

 C’était le cas de Camille Jenatzy. Fils d’un fabricant de produits en caoutchouc, cet ingénieur de formation s’intéresse très tôt à la propulsion automobile électrique. Avec son entreprise la « Compagnie Générale des Transports Automobiles », il entreprend même de fabriquer des fiacres et utilitaires électriques pour Paris. Voulant prouver la supériorité de l’électricité sur le moteur à explosion, il a voulu créer un engin capable de dépasser le record de vitesse. Pour le piloter, aucun souci. Camille est aussi un pilote réputé pour ses exploits que la presse anglaise a même surnommé « le Diable rouge » à cause de sa barbe rousse.

 Dans cette optique démonstrative, mais aussi commerciale, Jenatzy dessine et commande à un carrossier prestigieux de Levallois-Perret (J Rothschild & Fils) la fabrication d’un prototype.

Capture d’écran du prototype © RMN – Château de Compiègne

Créée spécialement pour la course, cette auto a une allure bien singulière. Elle ressemble à une sorte de torpille en aluminium et tungstène de presque 4 mètres de long pour un poids de 1,5 tonne. Elle est dotée de deux moteurs électriques de marque Postel-Vianay de 25 kW chacun, placés derrière les deux roues arrière, qui offrent une puissance d’un peu moins de 70 chevaux. Cette conception innovante est à la recherche d’aérodynamisme : engin monté sur roues de taille égale (des pneus Michelin conçus sur mesure !), une carrosserie allégée grâce à l’aluminium, une manette de direction et un accélérateur manuel à la place des freins et du volant.

 

Une fois construite, la torpille se lance dans la bataille de vitesse. À ce moment-là, la propulsion électrique domine (le record des voitures à pétrole n’était que de 62 km/h) avec un premier record établi à 70 km/h par le comte Gaston de Chasseloup-Laubat avec sa voiture électrique de 36 chevaux, le « torpilleur de Jentaud ». Le comte et Jenatzy s’affrontent, chacun pour pulvériser le record de l’autre.

 Désireux de battre le dernier record détenu par Chasseloup-Laubat, qui était de 92,78 km/h, la Jamais contente s’élance donc le 29 avril 1899 sur une route d’Achères dans les Yvelines, dans le cadre d’une compétition organisée par France automobile. La voiture électrique pulvérise le record en atteignant 105,98 km/h. C’est le premier véhicule de l’histoire à avoir franchi la barre des 100 km/h !

 

Jenatzy et son épouse lors de la parade pour la célébration du record en 1899 © Wikipédia

 

Ainsi durant la période de 1898 à 1902, les voitures les plus rapides étaient électriques, démontrant sa capacité à générer une grande puissance en un court instant. En outre, les automobiles électriques présentaient également d’autres qualités non négligeables : silencieuses, faciles à conduire, plus confortables et plus propres que les voitures à pétrole.

 Mais malheureusement, la voiture électrique n’a pas survécu à la concurrence thermique car trop lourde, trop complexe, trop peu d’autonomie et trop longue à recharger (les batteries de l’époque limitant trop les performances).

 La technologie et l’ingéniosité humaine évoluant vite, la technologie électrique a été balayée par les machines à vapeur puis par les moteurs thermiques (ou à combustion, alimentés par un carburant d’origine fossile). Pour le plus grand plaisir des producteurs de pétrole, dès les années 1920, la voiture à essence s’est imposée sur le marché.

 Jenatzy ne conservera son record du monde que 3 ans. Le 13 avril 1902 à Nice, Léon Serpollet franchit la barre des 120 km/h à bord de son automobile à vapeur, l’Œuf de Pâques.

 Ce n’est que 100 ans plus tard, avec l’urgence climatique et la dépendance aux coûts du pétrole augmentant, que les constructeurs se sont tournés une nouvelle fois vers l’électrique.

D’ailleurs, pourquoi avoir choisi ce nom, la jamais contente ?

Il existe plusieurs suppositions, mais aucune certitude. Il peut soit s’agir d’un qualificatif du véhicule qui pouvait se montrer capricieux à fonctionner correctement, soit s’agir de Jenatzy lui-même, jamais content, qui voulait toujours faire mieux et battre les records. Soit enfin, en référence au caractère de sa femme.

 Aujourd’hui, la Jamais contente est l’une des pièces phares du Musée de la voiture de Compiègne.

 

Sources :

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