Quand un cochon tue un roi de France !

Le contexte historique

Nous sommes dans la France médiévale du XIIe siècle. À cette époque règne le roi Louis VI le Gros. Injustement oublié, il est pourtant l’un de nos rois les plus importants. Premier à se proclamer « roi de France », son règne est une période essentielle dans la construction de notre unité nationale. Roi pieux, il a restauré le prestige monarchique, agrandi le domaine royal, contribué à l’émancipation des villes, à la renaissance du commerce et du renouveau artistique et intellectuel.

Marié à Adélaïde de Savoie, Louis VI aura 9 enfants. L’ainé, Philippe, naît en 1116. Fidèle à l’usage en vigueur de la dynastie capétienne, le roi associe au gouvernement du royaume son fils aîné (âgé de 3 ans à ce moment-là). C’est-à-dire, qu’afin de sécuriser le pouvoir et d’assurer la succession, le prince aîné est désigné puis couronné du vivant de son père. Le 14 avril 1129, Philippe, âgé de 13 ans, est sacré roi de France à Reims, sous le regard de son père Louis VI le Gros.

Nouveau roi désigné (rex designatus, en opposition au père, le roi en titre, rex coronatus), Philippe présente de nombreuses qualités. Formé à la guerre, il est doté d’un caractère bien trempé et montre de bonnes aptitudes à l’art de gouverner.

L’accident

 Le 13 octobre 1131, le roi Philippe chevauche avec quelques compagnons dans un faubourg de Paris. Dans les rues en ce temps-là, il n’est pas rare de croiser des cochons. Ces cochons domestiques, fort utiles et occupant une place de choix de notre alimentation, jouent le rôle d’éboueur. Animal omnivore et peu regardant sur la qualité de son alimentation, ils errent dans les zones urbaines et débarrassent les rues de leurs immondices.

Le convoi est en train d’avancer quand soudain, un cochon affolé traverse brusquement devant les sabots du cheval de Philippe. Effrayé, celui-ci se cabre faisant tomber le roi qui se fracasse la tête sur le sol. Il décédera dans les heures qui suivent au terme d’une intense agonie.

Les conséquences

En lui-même, l’évènement n’a rien d’exceptionnel. Au Moyen Âge, les chutes de cheval mortelles et les décès de princes adolescents sont choses fréquentes. Mais, au-delà du caractère anecdotique, il s’agit d’un drame qui va bouleverser l’Histoire de France.

Tout d’abord, il a des conséquences politiques, car il portera sur le trône un prince pas du tout préparé à gouverner, qui deviendra le roi Louis VII le Jeune (jeune, car cadet).

Mais c’est ensuite et surtout une tragédie d’ordre symbolique. Qu’un animal si impur, vil et mauvais, véhiculant un certain nombre de vices et de péchés comme la saleté et la gloutonnerie, ait pu tuer un roi de France reste difficilement concevable. L’historien médiéviste Michel Pastoureau, qui a consacré un ouvrage sur cet évènement peu commun de notre histoire écrit dans son introduction : « Par cette mort abjecte, qui aux yeux de certains contemporains apparaît comme une punition divine, la dynastie capétienne et la fonction monarchique semblent marquées d’une souillure indélébile ».  De cette mort infâme, l’abbé Suger, conseiller du roi, désigne l’auteur du meurtre comme porcus diabolicus, autrement dit comme un « cochon envoyé du diable ».  

Pour effacer cette souillure déshonorante, c’est ainsi que Louis VII aurait choisi comme emblème du royaume la Sainte Vierge et ses attributs, la fleur de lys (symbole de pureté) et le bleu (symbole de la lumière divine). Ce bleu qui va demeurer jusqu’à aujourd’hui la couleur de référence de notre nation. Ainsi, Michel Pastoureau note avec humour, que si nos sportifs sont simplement désignés sous l’appellation de « Bleus », c’est peut-être à cause d’un cochon diabolique !

Six ans plus tard, Louis VI décède et laisse la place à son fils Louis VII. Visiblement mal formé et n’ayant pas l’étoffe d’un grand souverain, son long règne (1137-1180) sera marqué par une série de catastrophes (drame de Vitry, échec d’une croisade, divorce d’avec Aliénor, montée en puissance des Plantagenets).

Un autre Philippe tué par un sanglier ?

 Mais ce n’est pas le seul souverain à mourir à cause d’un « cochon ».

En effet, deux siècles plus tard, en 1314, Philippe IV le Bel (un autre Philippe, ça ne s’invente pas !), va mourir lors d’une confrontation avec un sanglier. Durant une partie de chasse, véritable rituel royal, Philippe blesse un sanglier qui le fait ensuite tomber de son cheval et le charge. Cette mort sera également vue comme une punition divine attribuée à ces trop nombreux péchés.

Sources :

 

 

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